Aller au contenu principal

Mieux comprendre et prédire la vulnérabilité de nos écosystèmes

Deux études, parues récemment dans la revue Nature Ecology and Evolution auxquelles Philippe Archambault a contribué, s’intéressent à la façon dont la biodiversité est structurée. Le premier fait la lumière sur le réseau complexe des interactions alimentaires entre les espèces de poisson et le second analyse l’influence de certaines caractéristiques de prédateurs sur l’architecture du réseau alimentaire d’écosystèmes d’eau douce, marins et terrestres.

Bien que les océans couvrent plus de 70% de la surface de la Terre, nous savons peu de choses sur les interactions entre les espèces. Intitulé «The Marine fish food web is globally connected», cet article présente un exploit sans précédent, réalisé par l’équipe de recherche dont fait partie Philippe Archambault, de cartographier la biodiversité des espèces de poissons marins dans le monde et de leurs interactions écologiques. Pour la première fois, les chercheurs ont calculé à l'échelle mondiale le réseau complexe des interactions alimentaires entre toutes les espèces de poissons (11 365 espèces) pour mieux comprendre les conséquences des extinctions et de la propagation des perturbations. 

Le résultat s’est avéré surprenant puisqu’il montre que ce réseau alimentaire mondial est fortement interconnecté géographiquement. Les cartes des réseaux trophiques locaux révèlent que les écosystèmes côtiers sont plus résistants à l'extinction que ceux des eaux du large contrairement aux résultats antérieurs fondés sur des études ponctuelles. Nos résultats impliquent que la redondance élevée des interactions fournit aux réseaux trophiques marins une robustesse élevée face aux extinctions, mais leur connectivité spatiale peut aussi propager rapidement les perturbations dans les océans. 

En plus d’être utile aux négociations à l'ONU sur les protocoles internationaux pour la protection de la biodiversité marine, cette étude ouvre un nouveau programme de recherche en macro-écologie. Grâce aux outils conceptuels et méthodologiques développés par les chercheurs, il sera possible d’étudier la distribution des interactions écologiques. De telles observations n'ont jamais été documentées auparavant et constitueront la base d'un nouvel axe de recherche.

Les auteurs de l'étude sont Camille Albouy, Philippe Archambault, Ward Appeltans, Miguel B. Araújo, David Beauchesne, Kevin Cazelles, Alyssa R. Cirtwill, Marie-Josée Fortin, Nuria Galiana, Shawn J. Leroux, Loïc Pellissier, Timothée Poisot, Daniel B. Stouffer, Spencer A. Wood et Dominique Gravel.

Dans le second intitulé «Predator traits determine food-web architecture across ecosystems», les professeurs Phillippe Archambault et Pierre Legagneux ainsi que ses collaborateurs se sont intéressés aux interactions prédateurs-proies dans les écosystèmes naturels puisqu’elles génèrent des réseaux alimentaires complexes dotés d'une architecture simple et universelle, de la taille du corps, dans lesquelles les prédateurs sont systématiquement plus grands que leurs proies.

La théorie du réseau trophique montre que les ratios de masse corporelle prédateur/proie les plus élevés trouvés dans les réseaux trophiques naturels peuvent être particulièrement importants, car ils créent des interactions faibles avec une dynamique lente qui stabilise les communautés contre les perturbations et maintient le fonctionnement de l'écosystème. Identifier ces interactions vitales dans des communautés réelles nécessite généralement une identification ardue des interactions dans des réseaux alimentaires complexes. Pour surmonter cet obstacle, les chercheurs ont développé des modèles de traits prédateurs pour prédire les ratios moyens de masse corporelle basés sur une base de données comprenant 290 réseaux trophiques provenant d'écosystèmes d'eau douce, marins et terrestres sur tous les continents. 

Dans tous les écosystèmes, les chercheurs ont constaté des ratios de masse corporelle élevés pour les groupes de prédateurs présentant des combinaisons de traits spécifiques, notamment chez les petits vertébrés et les grands prédateurs nageurs ou volants. L'inclusion des types métaboliques et des types de mouvement des prédateurs a augmenté la précision de la prévision des espèces engagées dans des interactions à rapport de masse corporelle élevé. Les chercheurs ont démontré que les caractéristiques des espèces expliquent les schémas frappants de l'architecture corporelle des réseaux trophiques naturels qui sous-tendent la stabilité et le fonctionnement des écosystèmes.

Les auteurs de l'article sont Ulrich Brose, Phillippe Archambault, Andrew D. Barnes, Louis-Felix Bersier, Thomas Boy, João Canning-Clode, Erminia Conti, Marta Dias, Christoph Digel, Awantha Dissanayake, Augusto A. V. Flores, Katarina Fussmann, Benoit Gauzens, Clare Gray, Johanna Häussler, Myriam R. Hirt, Ute Jacob, Malte Jochum, Sonia Kéfi, Orla McLaughlin, Muriel M. MacPherson, Ellen Latz, Katrin Layer-Dobra, Pierre Legagneux, Yuanheng Li, Carolina Madeira, Neo D. Martinez, Vanessa Mendonça, Christian Mulder, Sergio A. Navarrete, Eoin J. O’Gorman, David Ott28, José Paula, Daniel Perkins, Denise Piechnik, Ivan Pokrovsky, David Raffaelli, Björn C. Rall, Benjamin Rosenbaum,Remo Ryser, Ana Silva, Esra H. Sohlström, Natalia Sokolova, Murray S. A. Thompson, Ross M. Thompson, Fanny Vermandele, Catarina Vinagre, Shaopeng Wang, Jori M. Wefer, Richard J. Williams, Evie Wieters, Guy Woodward and Alison C. Iles.