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Organisation des réseaux sociaux cellulaires : les fonctions des domaines protéiques sous la loupe

Les travaux de recherche de l’équipe de Christian Landry, professeur au Département de biologie et au Département de biochimie, de microbiologie et de bio-informatique, en collaboration avec l’équipe de Nicolas Bisson, de la Faculté de médecine, permettent une meilleure compréhension des conséquences engendrées par la mutation des domaines d’une protéine sur la façon dont elles se reconnaissent dans la cellule, plus particulièrement d’un type de domaine nommé SRC Homology 3 (SH3).

Le résultat de ces travaux fait l’objet d’un article intitulé Protein context shapes the specificity of SH3 domain-mediated interactions in vivo publié dans le journal Nature Communications. On y présente la stratégie de biologie synthétique élaborée par l’équipe de chercheurs afin d’investiguer les fonctions des domaines SH3 directement dans leur contexte protéique naturel.

Les organismes vivants et les cellules qui les composent doivent détecter des changements dans leur environnement et s’y adapter afin de survivre. Ce processus est contrôlé par l’ensemble des 20 000 protéines d’une cellule humaine, c’est-à-dire le protéome. Le protéome forme un réseau d’interactions dont l’organisation ressemble aux réseaux sociaux des humains. Chaque protéine est unique, bien qu’elle possède des régions ou domaines fonctionnels qui sont partagés, on en retrouve environ 6500 types dans le protéome humain. Ces domaines sont définis selon leur séquence en acides aminés et plus particulièrement selon leur structure tridimensionnelle qui leur confère une fonction précise. Une protéine peut généralement être illustrée comme étant une combinaison de billes (domaines) sur une ficelle, dont la fonction est dictée par l’ensemble des domaines (billes) qui la compose. Un rôle important de ces domaines est d’interagir physiquement avec d’autres protéines afin de former des sous-réseaux, notamment à la suite de la détection d’un signal extracellulaire.

Ce phénomène permet à la cellule de se réorganiser pour s’adapter au signal. Une des plus grandes familles de ce type de domaines est celle des SH3 (SRC Homology 3), avec environ 300 membres chez l’humain qui contribuent aux fonctions de plus de 200 protéines incluant plusieurs qui sont impliquées dans le développement de cancers.

Il est généralement accepté que les domaines SH3 peuvent médier des interactions protéine-protéine indépendamment de leur protéine hôte. Ils sont donc fréquemment décrits comme étant des blocs interchangeables et étudiés indépendamment de leur contexte protéique, défini comme les régions adjacentes au domaine sur la protéine. Ils seraient donc responsables à eux seuls de la reconnaissance des protéines entre elles.  

L’équipe a donc effacé, muté, et échangé les domaines SH3 de nombreuses protéines chez la levure et l’humain pour voir comment le réseau est affecté. Cette approche a permis aux chercheurs de déterminer que les domaines médiant des associations entre les protéines, tels les SH3, ne fonctionnent pas indépendamment de leur protéine hôte. Ces résultats ont des répercussions importantes pour notre compréhension du fonctionnement des protéines. Les domaines semblent avoir des rôles complexes et peuvent réguler les fonctions de leur protéine hôte de plusieurs manières, ce qui signifie qu’ils ne sont pas simplement des blocs interchangeables, contrairement à ce qui est généralement assumé.

Leurs résultats permettent d’avoir une meilleure compréhension des conséquences engendrées par la mutation de ces domaines dans les réseaux des protéines qui sont connus pour être affectés lors de maladies génétiques comme le cancer. En effet, un nombre important de mutations pathologiques sont retrouvées dans la séquence de domaines médiant des interactions protéine-protéine et leurs impacts sont en grande partie inconnus. Ces résultats mettent en évidence que ces mutations pourraient avoir des conséquences complexes, affectant à la fois les fonctions du domaine et celles de la protéine entière.

Soulignons que les travaux faits par Ugo Dionne, étudiant au doctorat en biologie cellulaire et moléculaire sous la co-direction du professeur Landry, impliquent la collaboration de Philippe Després, étudiant au doctorat en biochimie, de David Bradley et Rohan Dandage, stagiaires postdoctoraux au Département de biologie, Alexandre Dubé, professionnel de recherche au Département de biologie, et celles de Nicolas Doucet, professeur à l’INRS et de Jean-Philippe Lambert, professeur à la Faculté de médecine.

 

Texte rédigé avec la collaboration d’Ugo Dionne.